Si l’on demandait à Yûna quelle était la personne dont elle se méfiait le plus, elle répondrait sans hésitation qu’il s’agissait de son frère. Plus que de la méfiance, c’est même une certaine forme de crainte qu’elle éprouve à son égard. Et même s’il a l’air d’avoir laissé derrière lui les années qui ont précédé son départ, Yûna, elle, n’a pas pu oublier. C’est pourquoi elle évite au maximum de se retrouver seule en sa présence. Aussi forte peut-elle paraitre, Yûna a aussi sa faiblesse. Et si peu de personne sont au courant c’est bien parce qu’elle préfère ne pas parler de cette histoire douloureuse. Comment pourrait-elle expliquer comment elle est devenue claustrophobe ? Et de toute façon… qui croirait vraiment que Haruo Mizushiro, l’héritier et fils prodige du couple Mizushiro aurait, dans sa jeunesse, passer son temps à enfermer sa sœur dans un placard à balais ? Même ses parents n’étaient pas au courant de cet aspect-là de l’histoire. Oh bien sûr ils étaient au courant pour la phobie de leur fille puisqu’elle s’était plusieurs fois retrouvée à l’hôpital en état de choc et de panique avancée qu’il leur était impossible de la calmer sans l’aide d’un médecin. Mais la jeune fille s’était toujours refusé à parler du fond du problème. Elle était persuadée qu’on fond, ça ne réglerait rien d’en parler à d’autre… le seul avec qui elle devait parler, c’était son frère… mais elle n’en avait pas la force. Un jour peut-être…

Mais pour l’heure, Haruo était loin d’être le sujet qui la préoccupait. Non, elle pensait surtout à rentrer chez elle après une longue journée de cours. Elle s’était entrainée presque toute la journée et avait terminé par des cours théorique jusque 20h, si bien qu’elle n’avait qu’une seule chose en tête, rentrer et dormir… Bon d’accord, elle mangerait et se doucherait mais pas plus. Être dans la filière sport étude n’était pas de tout repos, mais Yûna ne s’en plaignait pas. Elle adorait nager depuis longtemps, alors passer son temps dans l’eau n’était pas un problème. Bref, Yûna se trouvait dans l’un des nombreux couloirs de l’université. Ayant un peu trainé avant de ramasser ses affaires et de sortir de l’amphithéâtre, elle ne fut pas étonnée de se retrouver seule. La plupart des autres étudiants étaient sans doute pressé de rentrer chez eux ou de retrouver leur chambre au campus… il n’y avait décidément que Yûna pour s’attarder alors qu’elle était complètement crevée.

Alors qu’elle progressait à une allure mesurée, elle aperçut une silhouette masculine arriver à sa rencontre. Elle l’avait déjà vu, elle le savait… restait à savoir où et quand. Ce n’est que quand il arriva à sa hauteur et qui parla qu’elle se souvînt. Elle l’avait vu avant la rentrée… chez elle, dans l’hôtel de ses parents. C’était un ami de son frère… Enfin, c’était au départ ce qu’elle avait pensé avant de les entendre tous les deux crier à travers tout l’étage. Yûna n’avait pas vraiment compris quel était le sujet de leur dispute, mais elle avait compris une chose… ne surtout pas s’en mêler. Il n’y avait finalement que la dernière phrase du jeune homme qu’elle avait entendu et pour cause, il se trouvait juste devant la porte de sa chambre lorsqu’il l’avait prononcée… « D’une façon ou d’une autre, tu le payeras Haruo !! »

« Tu es bien Yûna, la sœur d’Haruo ? »

Évidement lorsqu’il était venu rendre visite à Haruo, la jeune fille avait toujours les cheveux blonds, ce qui avait dû semer le doute dans son esprit. Et sur le coup, Yûna ne savait pas trop bien ce qu’il lui voulait, mais elle n’était pas très sûre de vouloir rester là pour le savoir. Il ne lui inspirait rien de bon, du peu qu’elle en savait, lui et son frère ne s’était pas réconcilier depuis cette fameuse histoire, mais là n’était pas la question. Il était en train de la détailler des pieds à la tête tout en se rapprochant d’elle alors qu’elle reculait au fur et à mesure.

« T’as changé… mais c’est bien toi. »

Un sourire satisfait s’affichait à présent sur les traits du jeune homme. Sourire qui n’était pas pour la rassurer… Au bout du compte, Yûna se retrouva coincée entre lui et le mur. Elle poussa un soupire avant de planter son regard dans le sien.

« Qu’est-ce que tu me veux ? »

Le sourire de son vis-à-vis s’agrandit, comme si la question le ravissait. D’ailleurs, Yûna commençait vraiment à se sentir très mal à l’aise en sa présence. Comme si elle présentait que quelque chose de mauvais allait se produire.

« Je l’avais prévenue tu sais… mais il ne m’a pas écouté, c’est de sa faute si je suis obligé de faire ça maintenant. »

« Mais du quoi tu… »

Yûna n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’il l’attrapa par le bras et la tira derrière lui jusqu’à une porte qu’il ouvrit à la volée avant de la propulser dans la pièce et de refermer la porte derrière elle. Il faisait tellement noir que Yûne n’y voyait plus rien, si bien qu’elle commença à paniquer. Pas seulement à cause du manque de lumière, mais bien parce que la pièce en question lui rappelait de très mauvais souvenir… Un placard à balais… Comment avait-il pu savoir ? Haruo lui en avait-il parlé ?
Sans réfléchir, elle se jeta contre la porte et tenta de l’ouvrir, sans succès évidement. Comment s’était-il procuré la clé, elle n’en avait aucune idée.

« Qu’est-ce que tu fais ?? Laisse-moi sortir de là !! »

« Te laisser sortir ? Ça ne serait pas drôle. Quant à ce que je fais… Hm, à ton avis, quelle est la meilleure façon de se venger de quelqu’un si ce n’est en s’en prenant à ses proches… »

« Non ! Attends ! »

Elle entendit des bruits de pas s’éloigner, preuve qu’il s’en allait en la laissant là. Yûna n’avait pas compris ce qu’il disait. Mais elle n’était plus vraiment en état de comprendre non plus. S’il pensait faire du mal à Haruo en s’en prenant à elle, s’était un mauvais calcul. Comment pouvait-il ignorer qu’entre elle et son frère c’était loin d’être le grand amour ?
Elle tapa à la porte un moment avant d’attraper son sac, qui était tombé lorsqu’il l’avait projetée à l’intérieur, et en retourna le contenu par terre. C’est avec des gestes tremblant qu’elle se mit à la recherche de son portable. Appelez au secours, c’était tout ce qu’elle avait à l’esprit… que quelqu’un la sorte de là. Et la première personne qui lui vînt à l’esprit, c’était Reio. Son petit ami. Elle ne lui avait jamais parlé de sa claustrophobie… justement parce qu’elle n’en parlait à personne, et certainement allait-il lui poser des questions, mais elle était bien loin de penser à une chose pareille. Elle composa le numéro pré-enregistré du jeune homme et attendit dans un silence angoissant qu’il décroche. Où pouvait-il bien être à cette heure-ci ? Dès qu’elle entendit qu’il avait décroché, les seuls mots qui purent sortir de sa bouche avant qu’elle ne laisse tomber son portable et se roule en boule, furent les suivant :

« Reio… Sors-moi de là… Université, placard. »

Un sanglot avait franchi ses lèvres alors qu’elle parlait. Et nul doute que Reio l’avait entendu. Elle ne voulait pas l’inquiéter, loin de là et c’est pourquoi elle avait essayé de ne pas laisser transparaître son état de panique et le fait qu’elle pleurait, mais ça avait été plus fort qu’elle. Et si Yûna avait eu les idées plus claires, elle se serait certainement rendu compte qu’elle n’avait pas été très précise sur l’endroit où elle se trouvait. Mais elle paniquait tellement qu’elle n’avait pas pu dire un mot de plus.