I caught you !

Je tourne à droite, à gauche, monte les escaliers. Il tourne à droite à gauche, monte les escaliers. Je me retourne, il se cache. Je rêve ou ce mec est en train de me suivre ? Et ça fait dix bonnes minutes que ça dure, il emprunte exactement le même chemin que moi, m'observe de loin. Que veut-il ? Qui est-il ? Sûrement quelqu'un d'assez inconscient pour oser stalker le chef des Yongs. Ou alors, peut être cherche t-il à savoir où est notre planque ... Oui, ça me semble tout à fait plausible ... C'est même ça, j'en suis sûr.

Je le promène alors, essayant de l'éloigner discrètement des endroits les plus fréquentés de l'université. Et pour paraître plus crédible et moins sur mes gardes, je sors mon portable, feignant un appel, faisant mine d'y répondre, il est à ma merci. Car sans qu'il s'en rende compte, je l'emmène loin. Tournant à l'angle d'un bâtiment, ayant l'air de poursuivre mon chemin. Mais subitement, une fois hors de sa vue, je me plaque contre le mur, attendant que mon stalker emprunte le même parcours pour le coincer. Je l'ai guidé jusqu'ici et ce n'est pas un hasard, nous sommes seuls, aucune fenêtre ne donne sur cette partie de la fac. Je connais bien cet endroit, c'est généralement ici que les Yongs règlent leurs comptes, en toute discrétion, personne n'entend crier nos victimes. Dans l'ombre, prêt à bondir, la silhouette de l'inconnu passe à moins d'un mètre de moi. Brusquement, je le tire vers moi, le plaque avec violence contre le mur sur lequel j'étais appuyé, écrasant son cou de mon avant bras, le fixant droit dans les yeux. Je scrute son visage, silencieux, il me dit quelque chose mais je ne serais dire pourquoi. Lentement, je desserre la pression que j'exerce sur lui et je retire mon bras, me contentant de poser ma main contre le mur, au dessus de lui. Il a l'air inoffensif, effrayé et malgré les apparences, je ne suis pas quelqu'un qui fait du mal aux autres gratuitement. Je soupire, déçu de ma prise. Dans le fond je m'attendais à mieux, à quelque chose de plus excitant ...

" Pourquoi tu me suis ? "

Ton calme, intimidant. Je reste proche de lui, prêt à réagir au moindre comportement suspect, on est jamais trop prudent.

Le suivre. Je ne pensais pas que je le ferais réellement. Mais c'est comme si mes jambes m'y obligeaient. Je l'ai vu. Park Ji Kwon. Mes yeux ont commencé à le suivre, comme d'habitude. Pourquoi ? Mon cœur bat plus vite dans ma poitrine, comme d'habitude. Je l'ai vu passer et je me suis levé par automatisme. Ce que j'étais en train de faire à ce moment-là ? Je suis tellement absorbé que je ne saurais dire. Je le suis. Mon cœur bat vite dans ma poitrine et j'ignore où nous allons. M'a-t-il remarqué ? Je ne sais pas. Je ne pense pas, il m'aurait dit d'arrêter s'il m'avait vu. Ou si ça le gênait. Après tout je n'ai jamais rien fait de mal, je ne prends pas de photos à son insu, je ne repends aucune rumeur sur son dos. J'ai juste... besoin de le voir. Ce n'est pas une envie, mais un besoin. Je ne veux pas qu'il me voit. Mais je le veux. Tout est confus. Je le perds de vue. Où est-il ? Mes yeux vont à droite, puis à gauche. Il n'est plus là. Doucement, j'avance, de plus en plus. J'ai peur. On m'attrape par le bras, je me retiens de crier, je ne veux pas que Ji Kwon sache que je suis ici.

Mon dos rencontre le mur. J'ai mal, mais je me tais, toujours dans le même but. J'ai du mal à ouvrir les yeux à cause du bras que je sens sur mon cou. J'étouffe. Le bras de l'autre se relâche. Je n'ose tout d'abord pas regarder, puis je le vois. J'écarquille les yeux. Park Ji Kwon. Je baisse les yeux au sol pour rester calme. Mon cœur me fait mal. Pourquoi je le suis ? Je ne sais pas... est-ce qu'il comprendrait si je lui disais que mes jambes l'ont suivi par automatisme ? Je sens son regard sur moi, je me sens impuissant. Mais je finis par décoller les lèvres.

« Je... je ne sais pas. »

Mes joues rougissent, j'ai chaud. Son visage est si proche du mien, j'ai envie de disparaître à cet instant. Je n'ose pas lever les yeux de peur de rencontrer son regard. Que dois-je faire ? Je ne sais pas. Je me mordille la lèvre, puis timidement je lève doucement les yeux...

« Tu... ne te...souviens pas de moi... ? »

Ma voix se fait basse et tremblante. Bien sûr que non, il ne se souvient pas de moi. Je le sais.

Le goût du danger, l'adrénaline, j'en étais accro, peut être même autant qu'à la drogue. Être suivi, isoler mon stalker, le surprendre en le plaquant contre un mur, ça m'amusait. Véritable Sam Fisher dans l'âme, l'espionnage, les altercations physiques me procuraient un certain plaisir, un peu sadique je dois avouer. Alors j'avais joué le jeu, coinçant dans l'ombre celui qui me suivait. Je ne comptais pas me battre, non, loin de là. Bien que j'aurais pu, étant sûr d'avoir le dessus. Mais pour le moment, je voulais simplement l'effrayer, du moins, assez pour que l'envie de me suivre lui passe.

En règle générale, j'ai l'habitude d'être suivi. Ici à Yonsei, personne ne sait vraiment où se trouvent les planques des clans, mise à part les membres du clan eux mêmes. Et il y a toujours des gens qui veulent savoir, par curiosité ou pour nous faire une crasse ; alors je dois me méfier, tout le temps. Mais cette fois là, mon stalker a l'air plus qu'inoffensif. Terrifié, je le sentirais presque trembler sous mon étreinte. Je l'avais relâché alors, me contentant de poser ma main au dessus de lui, gardant une certaine proximité au cas où il voudrait prendre la fuite. Il est coincé, pris au piège. " Je... je ne sais pas. " Il ne me regarde même pas, visiblement trop intimidé pour lever les yeux, mais ce n'est pas pour autant que je m'écarte. " Tu... ne te...souviens pas de moi... ? " Je le fixe, détaillant son visage, fronçant les sourcils. A première vue, il ne me dit pas grand chose ... Mais à bien y réfléchir ...

" C'est toi que j'ai aidé la dernière fois ? "

Oui, c'est bien lui. Des gens, j'en aide pas beaucoup, alors c'est plutôt facile de s'en souvenir en fin de compte. Je viens me poser à côté de lui alors, appuyant mon dos contre le mur comme il le fait et sortant de ma poche mon paquet de cigarette. Je m'en allume une alors, recrachant la fumée vers le ciel. Avec tout ça, il ne m'a pas répondu.

" Bon tu me suivais pourquoi alors ? "

En réalité, je sais que cela n'a rien à voir avec de l'amour. C'est juste de l'obsession. Mais je n'y peux rien. Le suivre constamment, déposer des gâteaux devant sa porte, des sucreries. Ça a toujours été plus fort que moi. Il est si proche de moi que j'en frissonne. Non, je ne sais pas réellement pourquoi je le suis, c'est instinctif. Et même si je suis intimidé, j'aime, réellement, le fait qu'il me regarde. Il ne voit que moi en ce moment même. La raison pour laquelle je le suis au final, c'est cette obsession. Je sais qu'il n'est pas ce qu'on appelle un « bon garçon ». Je ne pense pas lui plaire. Je dois ressembler à un chat errant en ce moment. Je me sens un peu ridicule d'avoir été pris aussi facilement, alors qu'il n'avait rien remarqué avant... Il m'a reconnu ? Je hoche doucement pour lui répondre que c'était bien moi. Mais je ne dis pas un mot. Je reprends ma respiration quand il se pose à côté de moi. Je n'ose pas partir, pourtant ce serait le bon moment. Mais, nous ne sommes que deux. Cette « chance » ne se représentera pas de nouveau. Un court instant je pense pouvoir lui parler, pouvoir prétendre être proche. Mais je reviens vite à la raison. Je ne suis rien.

Je sens une odeur. Je tourne alors ma tête vers cette odeur. Je fixe sa cigarette puis son visage, ses lèvres, sont nez... ses yeux. Je suis totalement absorber par ce visage si parfait à mes yeux. Sa question brise alors le silence. Je ne sais pas tellement quoi répondre. Je déglutit et baisse les yeux confus.

« Je... ne voulais pas... vraiment. », un silence assez pesant s'installer quelques secondes, je bafouille et j'ai du mal à lui parler correctement, je refuse de le fixer, de le regarder, ce serait pire. « Quand je t'ai aperçu... je t'ai.... » je déglutit, j'ai du mal à parler, je ressemble vraiment à un crétin fini.... « juste... suivi. ». je m'incline devant lui. « Je suis vraiment désolé ! je ne voulais pas... te gêner. ».

Ridicule. Je suis totalement ridicule et pathétique. Je n'ose pas me redresser. Mais je ne peux pas lui dire que je ne recommencerais pas. Si je le suis c'est instinctivement, comme aujourd'hui, je suis juste captivé par sa beauté, par sa présence. Je me mords la lèvre inférieure, restant courbé devant lui, n'osant pas me relever avant qu'il ne dise quelque chose.

Je l'entendais bafouiller, se confondre en excuses, paniquer. C'est amusant dans un sens, d'être si à l'aise alors que lui ne l'est pas du tout, mais c'est souvent le cas avec mes interlocuteurs, depuis l'histoire des clans en fait. Ma popularité a grimpé en flèche ces dernières années et maintenant, sur le campus, je suis presque aussi connu qu'une idole. On m'admire, on parle de moi, j'ai peut être deux ou trois déclarations d'amour dans le mois. Ça en lasserait certains sûrement, mais pour le moment, moi ça m'amuse. Surtout qu'en général, on me craint tout autant qu'on m'admire, je n'ai qu'à montrer les crocs pour que ceux m'ennuient, dégagent de ma vue. Et puis sans compter les cadeaux et les douceurs qu'on dépose devant ma porte ou mon casier. Je sais pas vous mais moi, je n'y vois que des bons côtés.

Je regarde mon vis à vis, le détaillant alors que celui ci reste incliné à 90 degrés. Mon égo, c'est sûrement ça qui me fait penser que le première année est amoureux de moi et que ce qu'il essaye de faire présentement c'est de me déclarer sa flamme. Oui ça me semble tout à fait logique, il a le profil type d'un fanboy. Jeune, frêle et bafouillant. Heureusement pour moi, il est plutôt mignon. Mieux vaut ne pas le repousser tout de suite, il pourrait me "servir" les soirs de grande solitude.

" Dis .... C'est toi qui met des gâteaux devant ma porte ? "

Je pose la question à tout ceux qui m'ont l'air suspect en ce moment. Cela fait plusieurs jours que mes colocataires et moi essayons de choper le pâtissier mystérieux, celui ou celle qui régale nos papilles. Car toutes les semaines, on dépose devant ma porte des sucreries et des gâteaux en tout genre et jusque là, nous pensions que c'était une fille, mais la piste de ce première année m'a l'air tout à fait crédible ...

Des gâteaux. Je suis sûr que Ji Kwon aime les sucreries. Si je pense à cela c'est sûrement parce qu'il est en face de moi et que j'ai l'habitude de lui porter des gâteaux à la porte de sa chambre. Je suis toujours incliné devant lui, je me sens désolé et honteux. Désolé parce qu'il a dû quand même se demander qui le suivait et cela aurait pu être dangereux et aussi honteux, parce que je n'avais pas à le suivre sans raison. C'était une mauvaise idée après tout. J'aurais dû me retenir. En regardant bien, il pourrait croire que j'essaye de me déclarer à lui. Alors que ce n'est pas du tout le cas. Je voulais juste m'excuser de l'avoir suivi comme ça et être incapable de lui dire pourquoi je le suivais. C'est juste de l'attirance que j'ai pour lui et pourtant, mes jambes le suivent dès que je le vois. C'est juste tellement gênant. Je ne sais plus quoi dire ou quoi faire dans ce genre de situation. Il ouvre alors la bouche et j'ose me redresser... Mais voilà que le sujet des gâteaux me revient en pleine face. Il a compris que c'était moi ? Il me pose la question et je ne sais pas quoi répondre, je suis à nouveau droit, face à lui, mais je n'ose pas le regarder. Je n'ose pas de peur de croiser son regard.

« Oui ». Je voudrais m'enfuir ou me terrer quelque part où on ne pourrait pas me voir. J'ai honte. Je ne sais pas quoi faire. Je lève les yeux rapidement, mais reste bloqué quand mes yeux croisent les siens. Je sens le rouge me monter aux joues. Complètement perdu... Je suis foutu. J'ai croisé son regard. Je déglutis, mes yeux ne veulent pas quitter son visage si parfait. Je sers le bas de ma veste entre mes petites mains. Comme pour faire passer le stress. « Si... si ça te dérange, je ne... ferais plus de gâteaux. ». Encore une fois j'ai l'ai pathétique face au plus vieux. Comme si son aura m'absorbait totalement. Je ne peux pas décoller mes yeux de lui. Je voudrais m'enfuir, mais je n'y arrive pas. Et dans le fond, je suis heureux qu'il me remarque. Je suis heureux dans un sens. Même si ça ne veut pas dire qu'il les a mangés ou qu'il les aime... mais il sait que ses gâteaux et sucreries viennent de moi. Et ça me touche vraiment.

En lui posant la question je n'y croyais pas trop, j'imaginais plus que faire des gâteaux et les déposer devant la porte d'un garçon, c'était un truc de filles et c'est non sans surprise que je le vis acquiescer, avouant qu'il était derrière toute cette machinerie. Je souris, content d'avoir enfin mis la main sur ce pâtissier mystérieux. Un peu étonné que ce soit un homme derrière tout ça, quand même. Mais cela ne lui enlève pas le fait que ses gâteaux sont délicieux, ce mec à vraiment de l'or dans les mains. D'ailleurs lorsqu'il me propose d'arrêter, je secoue la tête, pas du tout d'accord avec cette idée. C'est que je m'y suis bien habitué moi, à recevoir des douceurs régulièrement et gratuitement, j'ai pas tellement envie que ça cesse. Je le regarde, il a l'air toujours aussi gêné, ça m'amuse. Il doit vraiment avoir le béguin pour moi, c'est mignon, je pourrais même en profiter. Peut être est-il tout aussi doué dans d'autres domaines, si vous voyez ce que je veux dire ~ Je m'approche alors, sûr de moi et lui glisse à l'oreille d'une voix grave et douce

" Ne t'arrête surtout pas mais ... La prochaine fois que tu viens en déposer un ... Frappe à la porte, je t'ouvrirais. "

Une invitation, claire, j'espère qu'il a saisi le sens de ma phrase. Comme pour l'accentuer un peu plus, en me reculant, je le fixe, un regard ampli de sous entendus. C'est une proposition qui ne se refuse pas, n'est pas ? Après, est-ce que je compte vraiment mettre à exécution mes promesses ... Je n'en sais rien. C'est plus le fait de voir ses joues devenir pire que rouges qui m'amuse. Mais la vraie question est : osera t-il accepter ?

Je le garde une dernière fois et tourne les talons, m'éloignant, finissant ma cigarette, en direction des dortoirs.